Rencontre avec...

Alain Laumont

Alain Laumont

La malédiction du « Vinh Long »

- Votre livre est extrêmement bien documenté, immersif et très détaillé. Sans nous dévoiler vos secrets de fabrication, pouvez-vous nous dire comment vous travaillez sur un tel récit ?

Quand une période de l’Histoire m’intéresse, je glane tout ce que je peux trouver dessus : les grands événements comme les détails de la vie courante les plus insignifiants. Par exemple, il m’a fallu deux jours de recherche pour savoir quand on avait installé dans le transport le Vinh-Long l’éclairage électrique. Le prix des denrées, de l’opium, les connaissances médicales de l’époque : je fais flèche de tout bois.

Puis, je développe sur une trentaine de pages la biographie de mon criminel (ou de mes criminels), sa vie, son enfance, ses perversités… Après, je monte mon scénario. Enfin, je compose, chapitre après chapitre, une première trame qui correspond à environ 70 % de l’ouvrage final.

Je note sur de multiples post-its les incohérences, les ajouts possibles, d’éventuels nouveaux personnages et je reprends de fonds en comble une dernière rédaction.

- Quel est votre rythme d’écriture ?

Tout le travail de conception et de primo rédaction se fait aux premières heures de la matinée. C’est durant ces moments que je suis le plus inventif.

Les recherches, les relectures et les corrections se font dans l’après-midi. Au bout du compte et au rythme de trois heures d’écriture par jour, il me faut un an pour finaliser un livre.

- Peut-on voir en Philibert Tondu une sorte d’alter ego ou s’inspire-t-il d’une figure historique ayant réellement existé ?

C’est probablement le jeune homme que j’aurais aimé être. Le patronyme Tondu n’est pas totalement fortuit, car une de mes arrières-grands-mères s’appelait Philomène Tondu.

- Parlez-nous de vos personnages, comment leur donnez-vous vie ?

Je glane toutes sortes d’informations sur mes contemporains : aspects physique et moral ; caractère, etc… Après une rencontre, je prends souvent des notes en disant celui-ci, avec telle attitude pourrait être un de mes prochains personnages, principal ou secondaire. Ensuite, mon imagination les met en condition pour être introduits dans une intrigue.

Parfois, comme ce fut le cas pour le lieutenant d’Horlieux, je me suis inspiré des mémoires d’un protagoniste de l’époque (Au Soudan, Lt-col Péroz).

- Y-a-t-il une part autobiographique dans vos récits ?

Oui et non.

Oui, parce que tout me sert : mes souvenirs africains et mes discussions avec mes amis sénégalais, mes rencontres au cours de ma carrière militaire. Je n’invente pas grand-chose, mais je recycle énormément.

Certains personnages désagréables correspondent à des individus que je n’ai pas eu beaucoup de plaisir à fréquenter, parfois même, certains de mes chefs militaires !

Non, parce qu’à partir d’un certain moment, le remodelage est tellement important qu’on en oublie le portrait originel.

- Quelles sont vos références littéraires, historiques ?

Pour rester sur le même créneau d’écriture de romans historico-policiers, j’aime beaucoup Boris Akounine et l’originalité de son œuvre. Son héros Éraste Pétrovitch Fandorine est décalé à souhait.

Le maître incontesté de ce style est bien sûr Paul Doherty, dont les multiples séries nous font voyager de l’Égypte ancienne au Moyen-âge.

Enfin, j’ai une tendresse particulière pour Ellis Peters et son moine-enquêteur, frère Cadfaël dont les enquêtes ont été portées à l’écran.

- A qui s’adresse votre livre, le lecteur idéal ?

Je pense que mon lecteur idéal est une personne qui aime se laisser transporter dans l’ambiance d’une époque, qui apprécie de lire une histoire, une intrigue qui lui fait découvrir la grande Histoire sans effort, sinon celui de s’imposer un de mes romans !

- Allez-vous donner suite aux enquêtes de Philibert Tondu en le projetant dans une nouvelle aventure ?

En fait, la « Malédiction du Vinh-Long » est le troisième volet sur un total de cinq déjà rédigés. Les deux premières investigations de Philibert Tondu, non encore publiées, se déroulent entre Saint-Louis du Sénégal et Bamako en 1881-1883. Il y fait ses premières armes d’enquêteur. Les deux qui suivent « la Malédiction du Vinh-Long » voient mon héros aux prises de criminels dans le cadre de la guerre contre les Pavillons-noirs et les Chinois 1884-1885.

Mon propos est de promener le lecteur au fil de ces événements totalement ignorés de nos jours, connus de quelques spécialistes aux travaux relativement ardus à consulter pour des non-initiés. Peut-être, si je trouve mon lectorat, Philibert Tondu enquêtera-t-il jusqu’en 1914 !

- Pouvez-vous nous dévoiler une éventuelle intrigue ou une période dans laquelle vous souhaiteriez nous faire voyager ?

Je termine la rédaction d’un roman dont l’action se passe en Provence, entre 1574 et 1580. Pour l’instant, son titre est « Putan de Rey ! ». C’est le cri de ralliement de mes héros, des jumeaux, qui traversent un épisode étonnant des guerres de religion en Dracénie.